vendredi 20 décembre 2013

Lève toi et marche

On va reprendre là où on s'est arrêté, je vais te raconter mon mois de "réinsertion". C'est Noël alors goinfre toi de chocolat tout en me lisant. 

1. Refaire le chemin

Un lundi matin en novembre, aux aurores, il faut reprendre le chemin de l'école. J'attends sagement devant mon petit chez moi, le vent froid me glace le sang et le stress n'aide en rien, mon estomac me fait comprendre que reprendre la route va être une épreuve. Ma collègue arrive, je monte en voiture. On discute, on est ravie de se revoir, le temps entre l'accident et mon retour a semblé interminable, j'ai quelques trains de retard et je veux reprendre rapidement la cadence. Moment redouté, je revois cette "maudite" route mais je tiens étrangement le coup. J'entre enfin dans la salle des professeurs, les yeux s'écarquillent "revoilà la pauvre petite française". Je m’assois, assommée par le stress et la fatigue. On pose sa main sur mon épaule, on me sourit, on scrute mon visage et on me rassure. La tension est toujours là mais je fais avec. 

Je reprends mon matériel sous le bras et je m'avance vers ma première classe. La tension monte, comment vont-ils réagir ? J'entre et la pression tombe immédiatement, je croise leurs regards curieux mais enjoués de me revoir. Ça me me remonte le moral. Le cours se passe à merveille ainsi que les suivants, les plus curieux viennent me voir à la fin, me questionnent, s'inquiètent et rassurés repartent avec le sourire. 

J'ai quitté l'école ce jour là plus forte que jamais. Et en remontant dans la voiture pour rentrer, en refaisant l'exact chemin, malgré que je me sois revu faire chacun de mes gestes, que j'ai ressenti chaque petites émotions qui m'avaient traversé, j'ai su à ce moment précis que plus qu'un accident, c'était mon destin et qu'il faut l'accepter. 

2. Ces gens là, ce pays là, ces petites choses là

Il y a des gens comme ça qui me redonne foi en la vie et en l'humanité. Sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, il y a de ces gens qui savent faire la différence. Depuis mon accident, j'avais dû mal à voir du positif, la France m'avait déjà mis un coup de pied aux fesses pour avancer mais le Schleswig Holstein m'a fait appuyer sur l’accélérateur. 


Il y a eu M. qui dès le samedi m'emmenait déjà au resto, ma coloc' qui me dorlote toujours à coup de petits plats et de petites attentions. Puis il y a ces gens simples que je vois tous les mardis où on m’accueille toujours les bras ouverts. Il y a les autres profs qui me soutiennent et qui sont toujours là pour moi. Il y a les autres assistants qui m'ont fait oublier toutes ces vilaines choses, qui ont partagé leurs petites histoires avec moi et surtout à une qui a trouvé la phrase magique qui m'a vraiment touché en disant simplement : "Ce qui fait vraiment plaisir c'est que tu n'as pas perdu ta joie de vivre". Encore une fois, frappé par des vérités criantes, j'ai su que j'avais déjà fait du chemin et que je pouvais être fière de moi. Et ça mon ami, je te le confie, c'est magique.


J'ai redécouvert Lübeck sous la plus belle des lumières, celles de Noël. Cet esprit chaleureux et festif de l'avant Noël qui n'a pas le même charme en France. Tous ces petits chalets illuminés, ces visages heureux, ces décors magiques m'ont confirmé que Lübeck est une ville incroyable, petite mais bourrée de charme et qui, à cette période enchanteresse, se pare de ses plus beaux bijoux pour concurrencer sa vieille ennemie, Hambourg. Parfois on me demande pourquoi je me suis exiler dans un endroit aussi froid, en voyant ça je ne peux que te dire que c'est parce qu'il y a ce côté magique de l'hiver dont a toujours rêvé la petite fille que j'étais et que je suis toujours.

3. Épilogue

Mon petit mois de reprise est passé très vite mais j'ai eu le temps de me sentir revivre un peu et j'ai savouré chaque seconde, même les plus difficiles. Je me suis baladé de jour comme de nuit, j'ai bu, dansé, rigolé, souri,  mangé, aimé, détesté. Je me suis énervée, je me suis faite draguer, j'ai souri, regretté, abusé et surtout j'ai vécu comme ta voisine, ton amie, ta sœur peut vivre. Je suis normale, ça n'a pas de prix.

On arrête de parler de moi 5 minutes : Lübeck est vraiment l'une des villes les plus belles du Nord de l'Allemagne et surtout connue pour son marché de Noël. Ma porte est ouverte à tous les amateurs qui voudraient visiter ma petite ville, je commence à en connaître ses petits secrets et j'ai déjà commencé à pratiquer la visite guidée. Alors, toi mon ami(e) qui prend tant de patience à lire mes petits états d'âme je t'invite cordialement à séjourner dans ma maisonnée où il y aura toujours de la place pour les âmes égarées.

Sinon je vous remercie tous de me lire, je sais que vous êtes pas mal maintenant et ça me fait vraiment plaisir. Je vous souhaite à tous un très joyeux Noël et une bonne glissade vers la nouvelle année ! Tu es en train de te demander ce que je viens de te dire, je t'ai seulement traduit de l'allemand, alors glisse petit pingouin !



dimanche 24 novembre 2013

Un souci de plus, un souci de moins

En ce moment, tu l'auras compris, j'ai pas le vent en poupe. On va repartir de là où je me suis arrêtée et te parler un peu de mon retour. Allez, soyons un peu chauvin, sers-toi un petit verre de vin et ramène le sauciflard ! 

1. "Allez en prison. Ne passer par la case de départ. Ne touchez pas 20 000 Francs"

Sortie de l'hôpital, journée tant attendue. J'ai gambadé les deux jours qui ont suivi, emmenant ma sœur à droite et à gauche appréciant chaque moment de liberté retrouvée. C'est le soir, que mon corps se manifestait. "Hey la pécore qui court la campagne, là, t'en as assez fait. J'ai amorti un accident, moi, maintenant au pieu" Tremblements, froid et courbatures, mamie va au lit à 21h. Le matin, toujours besoin d'un temps d'adaptation, ma sœur se moque... Je ressemble à un Na'vi, tu sais les bonshommes tout bleu aux yeux de chat dans Avatar... 

Viens le grand jour, en route pour l'aéroport. Premier jour où je me confronte aux regards des "autres", ceux qui ne savent pas, ceux qui ne m'ont jamais vu autrement, ceux qui ne regardent pas, ceux qui dévisagent. D'abord sûre de moi, fière d'avoir survécu, heureuse d'être sur mes deux jambes, d'avoir la force nécessaire pour me mêler à la masse, j'ignore les premiers et je marche fièrement. Puis, au fil des regards, face aux moues de dégoût, aux regards ébahis et à quelques réactions de peur (et oui, mon ami, une femme à reculer de peur en me croisant aux toilettes), ma mine enjouée et mon envie d'avancer malgré tout a pris une sacrée claque. 

Accompagnée, je fais encore face, mais une fois seule dans le train qui me ramène à ma case départ, l'amertume commence à m'envahir. Je suis encore partagée par le plaisir de pouvoir revoir ces beaux paysages que j'ai bien failli ne plus avoir la chance de contempler, le bonheur de retrouver ceux que j'aime, et par l'injustice d'avoir dû revenir un mois après mon départ. Ne devrais-je pas être en train de faire travailler mes petits élèves et écumer ma belle région à bord de mon auto ? Mais me voilà de nouveau en France quand les autres vivent ce que j'aimerais vivre aussi.

Je vais pas non plus faire ma bégueule et dire que je n'étais pas heureuse de me faire chouchouter par ma mère, de revoir mes amis mais une partie de moi s'est sentie mise en prison. Il y avait des réveils plus durs que d'autres, il y avait des jours avec et puis dans jours sans, il y avait des larmes, des sourires et des façades. La vie n'est pas simple, j'ai beaucoup relativisé en me disant qu'il y a toujours pire, puis il y avait ces jours où je me disais que quand même, pourquoi moi ? C'est humain, je sais, mais ça ne fait pas plus de bien et ça aurait tendance à ne rien améliorer. Alors je m'enfermais dans mon cachot exigu rempli d'amertume accompagné de mes douleurs et de mes effets secondaires à ruminer sur mon corps qui ne se remet pas assez vite à mon goût, sur cette cicatrice insupportable et sur ces regards qui font mal.

2. "Ma pauvre demoiselle"

Quand on a une balafre sur le visage, ça se voit et puis le lambda comme le proche, il le remarque, se questionne et s'ensuit ce que j'ai appelé mon top 3 des petites maladresses qui me donnaient envie de me pendre. Me déteste pas si tu te retrouves dans une catégorie parce que je t'aime toujours autant, je suis pas comme ça, moi mais je dois t'avouer que j'ai sûrement eu un pincement.

Je vais commencer par ceux qui ont dit ça par pure gentillesse. J'aime les appeler mes cajoleurs. Je parle de ces petites phrases maladroites de réconfort qui ne marchent pas parce que tu sais pertinemment que c'est par pure compassion et que ce n'est pas tout à fait vrai. Alors toi, le cajoleur qui m'a dit que j'étais d'autant plus belle avec cette cicatrice, que ce n'est pas grand chose et que j'étais toujours aussi séduisante. Cajoleur... Ne me mens pas, la cicatrice est de mieux en mieux mais je vais pas remporter le titre de Miss France et ne me fait pas croire que je vais me faire plus draguer sous prétexte que je ressemble un chouilla à une vieille divinité viking. La cicatrice est belle mais c'est une cicatrice et les cicatrices (surtout pour une femme) c'est pas comme un grain de beauté bien placé, ça n'a rien de séduisant et surtout rien de glamour. Alors cajoleur, sache que la simple phrase : "Bientôt, on la verra plus cette balafre" m'aurait suffit mais merci d'être gentil et de me prendre par les épaules, ça fait du bien mais c'est maladroit.

Puis, il y a les minimisateurs. "Ton accident ? Des broutilles, mon pote l'autre jour a planté sa bagnole c'était pire que ça je te jure"... Bon, c'est gentil de me rassurer en m'affirmant que mon accident c'était vraiment de la gnognotte mais ça me réconforte pas plus que ça. Mon accident m'a bien suffit dans sa forme et je ne souhaite pas non plus reproduire l'exploit tous les 4 matins. Alors minimisateur, je te le souhaite pas, mais le jour où une voiture te rentrera dans le lard à la hauteur de ton corps à plus de 70km/h, on en reparlera. Mais je t'en veux pas minimisateur, au fond je suis sûre que c'est parce que tu as eu peur pour moi et que toi, ça t'aide de me dire ça.


Et puis, il y a ceux que je ne comprend pas, j'ai envie de les appeler les "c'est qui qui". Leurs premières réactions, leur première question c'est toujours "Mais, c'est toi qui est en tord ?" et moi de répondre par une mine dépitée. Est ce que c'est vraiment la question ? Est ce que le fait d'être responsable de ses douleurs c'est mieux ou c'est pire ? Est ce que le fait d'être en tord minimise mon état ? Bref, tu l'auras compris, c'est ceux qui m'ont le plus agacé. Pour leur répondre, pour l'instant c'est 50/50 qui est établi mais c'est quasi certain d'après ce que j'ai réussi à savoir qu'elle roulait beaucoup trop vite. Donc voilà "c'est qui qui", tu as ta réponse mais moi je ne me sens pas mieux parce que dans tous les cas, cet accident, que j'en sois responsable ou pas, m'a pris ma voiture et m'a abîmé le visage. Ta question fait plus de mal que de bien.

3. Pose ta poupée voodoo lentement vers le sol et arrête me martyriser

Vient le temps du retour et de reprendre ma vie allemande là où je l'avais laissée. Enjouée, je ne le suis pas restée longtemps, mes effets secondaires persistant à vouloir me tenir compagnie. J'arrive à la gare, déjà impatiente d'arrivée. Stupeur, suicide sur les voies, retard indéterminé, au bout du compte 2 heures de retard. J’arrive finalement à Paris presque vivante. Pourtant épuisée, je dors peu, mes effets secondaires ne me lâchent pas. On prend la route pour l'aéroport avant que les agriculteurs ne nous rendent la tâche plus compliquée. J'arrive à l'aéroport à l'heure grâce à ma tante qui connaît tous les bons filons, tout va pour le mieux.

C'était sans compter sur une grève de la compagnie. Avion annulé, je n'y crois pas et pourtant je suis transférée sur un vol qui part... Dans les 40 minutes qui suivent ! Je traverse l'aéroport, j'ai des sueurs froides, je négocie mon départ, je cours, on me pique mes fromages pour que j'embarque, je laisse mes petits puants sur le tarmac et je finis par m'envoler. Vol compliqué, mes effets secondaires persistent, la journée s'annonce longue. Hambourg me tend enfin les bras et me serre dans ses bras glacials (-5 C°). J'arrive à la gare sans trop d'encombres, j'attends patiemment. Mise à part, une attaque de pigeon je ne vois plus aucun danger à l'horizon. Arrivée à la gare de Lübeck, je commence à marcher et je me dirige vers ma petite maison. Les larmes me sont montées, je vais pas te mentir. J'avais envie de faire demi-tour, tout ces obstacles m'ont donné, sur le coup, une profonde envie de me terrer en France et de ne plus bouger jusqu'à ce que la roue tourne. Puis j'arrive, on m'accueille, je me sens mieux, mon corps et mon cœur se réchauffent. J'ai revu ceux qui étaient là et qui m'ont soutenu à l'hôpital et je tente de reprendre ma petite vie.

4. Épilogue

Cet article est un peu tristou, je te l'accorde mais je suis honnête avec toi et je ne te cache rien. Cependant, pendant ce séjour j'ai eu des moments de bonheur simple mais qui m'ont mis du baume au coeur. Allez une petite liste pour se rappeler des bons côtés de tout ça.

- Ma cicatrice est miraculeusement belle, mon oeil a repris sa forme et plus les jours passent plus j'accepte ce nouveau reflet.

- Ma mère m'a aidé à réaliser un rêve de gosse en m'offrant la guitare de mes rêves pour que je puisse me lancer et j'adore ça !

- Mes amies m'ont emmené au resto', m'ont soutenu et m'ont surtout fait rire.

- D'autres sont passés me voir et m'ont remonté  le moral.

- Mes effets secondaires se tassent et je vais de mieux en mieux.

- Pour mon assurance je ne suis pas en tord ou en tout cas pas complètement, je vais donc être correctement dédommagée.

- Il y a des gens qui m'ont regardé avec la plus grande gentillesse et qui du regard me disait "Allez mademoiselle, vous en faites pas, c'est une mauvaise passe."

- Demain, je retourne à l'école, j'appréhende de repasser par la "fameuse" route mais je suis contente de retrouver mes petits élèves.

Voilà, on s'arrête là pour cette histoire j'espère. Je vais bien et c'est ça le principal à mon sens.

5 heures après l'accident
Aujourd'hui

vendredi 1 novembre 2013

La vie est un spectacle de haute voltige

Cet article va peut être te faire peur (mais je ne suis pas hors contexte, c'était Halloween hier), te faire pleurer, t'inquiéter mais j'espère aussi te faire sourire. Sors ta boite de mouchoirs, prends toi une petite camomille, mets ton sous ton plaid et moi, je vais tout te dire, histoire qu'entre toi et moi, tout soit clair.

1. Apogée de la banane ou pourquoi j'aime être assistante

Lundi 28 octobre, premier jour de tempête à Lübeck mais aussi, premier jour avec mes élèves. Je me lève le matin comme une fleur, je suis stressée mais absolument impatiente de voir les petites bouilles de mes élèves, je pars en avance, j'arrive à l'école et je me présente une nouvelle fois aux collègues que je n'avais pas encore rencontré. 

Ça y est, c'est l'heure de mon premier cours, j'entre dans la classe précédée par une prof' absolument adorable, elle fait un petit point avec ses élèves, je sens les regards interrogateurs, puis vient MON moment. D'abord très tendu voyant le niveau débutant de mes élèves, je m'avance et je leur propose un petit interrogatoire. Je me détend au fur et à mesure des questions et je prends plaisir à leur parler de ce que j'aime, ce que je n'aime pas et je sens que le partage me plaît déjà. Puis vient la deuxième heure, je me rends dans une classe de petits bouts de choux de 10 ans, je commence de la même manière, ils me posent des questions, s'interrogent, sont curieux et me regardent comme si j'étais la France en personne. Leurs yeux pétillants me collent la banane et je me plais à leur mimer tout ce que je leur dit, à faire le clown et leurs rires m'envoient aux anges. Je passe entre les rangs pendant leurs exercices écrits, mes petits élèves sont ravis, ils sont si contents que je leur explique un par un leurs petites fautes maladroites et moi je me plais à jouer les maîtresses attentionnées.

Les classes suivantes, où les élèves sont dans l'âge ingrat de l'adolescence ("toi même tu sais" comme dirait ma génération à cette même époque), certains jeunes garçons que leurs hormones titillent se la jouent un peu, me demande ma situation maritale en appuyant leurs fins de phrases par quelques coups de coude au voisin et à quelques clins d’œil appuyés. Cependant, ça m'amuse et me rappelle que fut un temps, nous étions (toi comme moi) un peu idiot. 

Bref, ma matinée se passe à merveille et je suis déjà enthousiaste à l'idée de retrouver mes classes et de continuer à m'éclater en leur enseignant les tumultes de ma langue. A 13h30, je reprend ma voiture, j'allume mon Ipod, j'ai la patate, le soir même j'ai une dégustation de vin et de fromage et je suis invitée à un spectacle de théâtre, tout va bien dans le meilleur des mondes. Je sors du lycée à bord de ma petite twingo, je tourne à gauche, et...  plus rien. 

2. La faucheuse m'a reluquée ou comment je l'ai échappé belle

A 13h30, une voiture m'a percutée à plus de 70km/h du côté conducteur. Je ne peux pas te décrire le choc et je ne vais pas te mentir, je n'ai rien senti et je n'ai pas souffert. Je ne me souviens que de deux choses juste après le choc, la musique de mon Ipod "Geht Auseinander" de Wir Sind Helden et la chaleur du sang sur mon visage que j'ai trouvé sur le coup très agréable. J'ai essayé d'ouvrir ma portière, j'ai sûrement détaché ma ceinture, je me suis laissé tomber comme une poupée de chiffon sur le côté passager, j'ai vu une femme par la fenêtre, j'ai tendu mon bras comme je pouvais, j'ai ouvert le loquet, je ne voyais plus de mon oeil gauche. Ma vue complètement troublée par la couleur du sang, des gens m'attrapent, on m'extirpe de la voiture, on me maintient la tête, elle me tourne, je marmonne en allemand le nom de ma tutrice et celui de mon école. Je supplie qu'on appelle ma mère. Je titube, on me tient, l'ambulance arrive. On m'allonge, me promet que je ne perdrais pas mon œil, que tout va bien se passer, on me cale la tête avec un collier cervical. J'ai peur. Je sens que si je ne m’accroche pas, si je me laisse aller, ma tête pourrait me lâcher et mon corps suivrait. La mort, je sais qu'elle me reluquait du fond de l'ambulance avec sa grande fauche, elle aurait pu me la prendre la vie et l'ajouter à sa collec' mais ma twingo et mon étoile en avait visiblement décidé autrement. 

Je suis emmenée en urgence à l’hôpital de Lübeck, on découpe mon pull, on me place toutes sortes de trucs sur la peau, on m'explique qu'on va vérifier l'état de ma tête et de mon squelette en général. Dans le coltard, je demande bêtement si j'ai le droit de respirer pendant le scanner, l'infirmière désolée de mon état, me sourit d'un air maternel "Ja, natürlich". Examen passé, tout est miraculeusement parfait, même pas une côté fêlée, mon crâne va bien et l'état d'urgence s'amoindrit. Mais j'ai toujours peur, on mesure ma blessure, je pose la question : "Comment est mon visage ?". On me décrit... Je suis ouverte sur environ 20 cm près de mon oeil et j'ai eu visiblement de la chance de ne pas le perdre. Je frémis mais je ne réalise pas. 

Je passe au service de chirurgie du visage et des yeux, les ambulanciers qui m'y emmènent sont absolument adorables, l'un des deux s'assoit près de moi et me parle de ce qu'il sait sur la France. Il me trouve courageuse, je lui dis que j'ai peur, que j'ai peur pour mon visage, d'être défigurée, de porter pour toujours les stigmates de mon accident. Il me sourit et d'un air protecteur me glisse, "Mais mademoiselle, même avec du sang sur le visage et l'air fatigué, vous êtes belle alors vous le serez toujours." Je souris, j'ai envie de pleurer mais d'émotion parce que pour la première fois depuis les quelques heures chaotiques de mon accident, on me parle comme à une vraie personne et on me réconforte avec chaleur. En partant, les deux me sourient, me souhaitent bon courage et je les entends du fond du couloir murmurer "Elle est si mignonne". Je me sens un peu mieux. Viens le moment que je redoute, pour la première fois de ma vie je me fais recoudre, les chirurgiens m'expliquent tout, ils m’anesthésient tout le long de la plaie, ça fait un mal de chien. Puis ils m'annoncent 30 minutes pour tout recoudre. Je ferme les yeux, je commence un peu à m'abandonner. Je pense à ma mère, à ma famille qui ne savent pas encore que le sort m'a frappé en plein vol. Qu'est ce que je vais dire... Qu'est ce qu'ils vont penser. Je suis à 1400 kilomètres, à l'hôpital, plus fragile que jamais et eux ne savent encore rien et je vais devoir annoncer "Maman, j'ai eu un accident. Je vais bien, mais... Les "mais" ça promet jamais rien de bon dans ces cas de figure mais ils sont obligatoires.  

L'une de mes collègues m'attend dehors, on me prévient, je me sens moins seule et j'ai déjà hâte de la voir. Elle entre, je lui demande comment je suis, elle me glisse que c'est rien, que je suis toujours aussi jolie, que c'est une question de temps mais je sens que ce n'est pas joli à voir. Je me vois dans le miroir. Je ne pleure pas, mais au fond de moi je me sens défigurée. Ouverte du front jusqu'au coin de mon oeil, j'ai peur, où est Amandine sous cette balafre ?  Où est parti mon oeil en amande sous cette coupure béante sur mon visage ? 

3. Miraculée ou comment mon corps fait des merveilles

Les médecins, ma soeur qui est arrivée mardi et les gens qui m'ont suivi dans le début de ma convalescence peuvent te le dire. Le mercredi, je marchais déjà normalement et plus comme une mamie de 90 ans. Mon oeil reprenait déjà forme humaine et ma progression est à peine croyable. Je cicatrise bien et mon corps se remet étonnamment vite en forme. Je suis sortie de l'hôpital jeudi et très contente car ceux qui me connaissent savent combien je hais l'hôpital et combien je hais qu'une seringue s'approche de moi. Hors, sur ce sujet, j'ai été gâté... 5 piqûres anesthésiantes, 1 vaccin pour le tétanos, 3 perfusions par jour d'antibiotique, 1 piqûre par jour dans la cuisse et 2 prises de sang (je ne compte pas le bonus nocturne de la perfusion de calmant pour mes angoisses nocturnes). 

Je suis donc devenue plus courageuse sur le sujet médical, j'ai pris sur moi et avec le sourire. Alors, oui j'ai pleuré seule devant mon miroir, dans les bras de ma soeur, dans le fond de mon lit et j'ai même pleuré sur les toilettes mais ne t'inquiètes pas, j'ai souri aussi. J'ai souri parce que malgré tout, c'est ce que je sais faire de mieux, avoir la banane et prendre sur moi. Je suis fière de moi parce que je m'en sors bien mentalement et même si j'ai peur la nuit et bien, j'essaye de voir la lumière au bout du tunnel.

4. Épilogue

Tu vas peut être te dire que j'exagère, que je romance et libre à toi de le penser. Tout ce que je viens de te confier, c'est mon ressenti, c'est mon coeur plus que que mon cerveau un peu perdu qui te le dit. Cet accident, je le croyais pas si violent avant de voir ma voiture. Elle m'a sauvé la vie... Mon siège est plié en deux et ma portière est rentrer d'au moins 60 cm sur moi, sans compter les morceaux de tôle qui auraient pu me transpercer de part en part. Je me demande encore comment je m'en tire si bien. Parce qu'après tout, n'est ce pas qu'une cicatrice, les cicatrices s'estompent et nous forgent sans parler qu'il existe aujourd'hui de multiples manières d'être belle à nouveau. Même ma soeur ne pensait pas que mon accident avait été si violent et j'ai conscience dorénavant d'avoir eu un grave accident mais aussi d'être une miraculée de la route.

Maintenant s'il te plaît, ne t'inquiètes pas. Je vais bien. Je rentre en France un peu pour me remettre de tout ça et si tu me croises, s'il te plaît, ne t'arrêtes pas à cette vilaine balafre, regarde moi comme tu m'as toujours regarder. Ne te prends même pas de pitié, car la vie c'est ça aussi, c'est parfois d'être fauché en plein vol mais être faucher ne veut pas dire que tout s'arrête. Moi aujourd'hui, j'ai plus envie que jamais de vivre et surtout, je ne veux pas être juste "la pauvre fille qui a eu un accident". Ça prendra un an, deux ans pour que tout ça s'estompe mais c'est quoi un ou deux ans quand on a échappé à la mort ? J'ai hâte de retrouver mes petits élèves, de leur dire que je suis la femme de Frankenstein, de les entendre rire et moi de sourire.

La vie, je l'ai compris, c'est comme un spectacle de haute voltige, parfois on chute, le public retient son souffle, puis on reprend le grand spectacle de la vie, parce que c'est comme ça. Ma chute finale, c'était pas celle la alors on continue et puis on sourit parce que le spectacle continue. 

Celle dont tu dois te souvenir et celle que, bientôt, je serais de nouveau

jeudi 17 octobre 2013

Carmen dans la grisaille

Après avoir suivi mes folles péripéties sur la route du froid, il est temps que je t'en dise un peu plus sur ma vie d'ici, qui s'installe petit à petit. Je te préviens, tu risques de pas me croire mais tout ce que je vais te conter n'est que la pure vérité. Le mieux serait que tu sirotes une margarita, ça t'aidera peut être à me croire et ça te mettra dans l'ambiance. 

1. Solitude, ma meilleure ennemie

Je savais dès mon arrivée que ma propriétaire partait en vacances pour 2 semaines et que rapidement j'allais être en coloc' avec quelqu'un que je n'aime pas beaucoup : la solitude. On la connaît tous, chacun l'appréhende plus ou moins bien. Pour le coup, je voyais du positif dans sa compagnie. Comme je ne l'aime pas beaucoup, je savais qu'un coup de pied aux fesses allait suivre et que donc, je serais plus aux aguets quant à me faire des connaissances un peu plus intéressantes que la morne solitude.

J'aide ma propriétaire à descendre sa valise, elle me sourit, me dit qu'elle me fait confiance mais qu'elle espère quand même je ne vais pas partir avec tous ses meubles sous le bras. On rigole, la porte se ferme. Ça y est, cette gourgandine (navrée, j'aime trop ce mot pour te l'épargner) de solitude débarque, pose ses valises et se pavane avec le pot de Nutella... Je prend sur moi, attrape mon ordinateur, écume le net comme je sais le faire. Les réseaux sociaux, pour l'intégration, sont tout simplement révolutionnaires. Je balance quelques bouteilles à la mer et j'attends. SURPRISE ! En 5 minutes, j'ai déjà quelques réponses. Au bout du compte, j'ai rendez-vous le lendemain avec une autre française pour boire un verre. Requinquée et remontée à bloc, je sens bien que la solitude me tire la tronche, elle sent bien, cette peste, que mon nouveau positivisme allemand risque de la foutre chaos.


Le fameux soir arrive, je rencontre enfin M., mon âge, elle fait un stage ici. Son enthousiasme est contagieux, elle me confirme qu'ici tout est simple, les relations se nouent facilement, naturellement et me promet que ma solitude ne fera pas long feu. Bon, je suis sur les starting blocks mais le coup de feu n'a pas encore retentit et ma solitude tourne encore autour du Nutella.

L'heure est venue, SMS reçu, M. m'a fait inviter à un anniversaire mon premier samedi soir à Lübeck est donc pris. Amandine 1, Solitude 0.

2. ¿ Hablas español ?

Stupeur ! Oui, effectivement, j'avais remarqué que par-ci, par-là j'entendais un peu d'espagnol parmi l'allemand ambiant. Je vais à l'anniversaire d'un espagnol et je me rend vite compte qu'à Lübeck, il y a de nombreux espagnols. Où est passé la pudeur allemande ? On s'enlace, on se fait la bise... Le charme latin aurait-il envahie la pudique Allemagne dans un de ses fiefs les plus au nord ? Eh bien, à croire que oui. 

Cependant, j'y vois un énorme avantage. Car comme tu le sais peut être, je suis une grande adepte des langues et j'en ai quelques unes à mon répertoire, dont l'espagnol. C'est donc l'opportunité, de temps en temps, d'améliorer mon espagnol quelque peu bancal. Exercice laborieux, de prime abord, que la gymnastique linguistique. Ce qui fini, d'ailleurs, par donner un mélange peu savant d'allemangnol assez vilain.

Petit exemple pour te faire rêver : Si claro, puedo español hablar. (Holy shit ! Rien que de l'écrire, ça me file des frissons)
Pour les non-hispanisants, j'ai tout simplement utilisé la syntaxe allemande mais en parlant espagnol, je te l'ai fait courte, la version longue aurait été trop honteuse. 


Bref ! Après quelques plats du même acabit, j'ai discuté à droite, à gauche mais je ne te le cache pas, mon cerveau appelait largement au secours. Dans la même soirée : parler avec M. en français, discuter avec un espagnol, puis dans la même discussion une autre interlocutrice se met à parler allemand, derrière certains parlent anglais. Quasi mourante au bout de 2 heures de concentration et de baby-foot endiablé, je me rentre, ma solitude s'est endormie et moi avec. Pour une fois, on était en parfaite symbiose, son silence peut être si salvateur.

3. Le froid s'installe mais j'ai bien chaud 

J'ai déjà enfilé mon beau manteau d'hiver, mon chapeau-cloche et mon écharpe bien chaude. J'aime la petite vie que je me confectionne pour cette année. J'ai froid, c'est sûr mais je me sens bien. Tout roule comme sur des roulettes : 
  • Je me suis enregistrée à la Mairie, je suis donc officiellement une habitante de Lübeck. Bon, je vous passe les détails sur l'amabilité des administratifs mais je m'en fiche, j'ai eu ce que je voulais.
  • J'ai un compte bancaire, une carte EC et même des sous dessus ! Oui, en Allemagne le système est très différent. Les Visa c'est juste mal vu et ça marche nul part.... Ils paient quasi tout en cash et par exemple au Mc Do, ils ne prennent que ça. Bref ! Un des petits côtés négatifs de la vie allemande, il faut toujours avoir une liasse sur soi. 
  • J'ai bu ma première bière brassée à Lübeck qui était divine accompagnée (c'est important de le préciser) d'un mexicain, de 2 espagnols et d'une seule allemande. Tu devineras jamais de quelle nationalité était le couple à la table de derrière.
  • J'ai un portable allemand. Bon, là aussi, ce fut laborieux. J'ai pris une carte prépayée de chez Aldi (équivalent de Lidl pour toi le novice du genre), le problème c'est que ça se prend à la caisse entre les pommes de terre et les tampax. Ça mène à des situations intéressantes quand tu ne maîtrises pas toutes les ficelles de l'allemand, qu'il faut mettre tout dans ton caddie et qu'une petite vieille t'engueule parce que tu ne comprends pas toute la complexité du choix du forfait... Bref, moment hasardeux. 
  • J'ai assisté à ma première "Stammtisch" internationale où plusieurs nationalités se retrouvent pour parler l'allemand surtout, mais aussi d'autres langues, c'est un peu au choix. C'est l'occasion de faire des connaissances et j'ai déjà hâte d'y retourner. 
  • Je suis allée au cinéma mais honte sur moi ! C'était un film français sous titré allemand... Oui, tu peux me huer... Mais c'était l'occasion de sortir et de connaître des gens du groupe international de Lübeck. Et surtout, de fréquenter les petits cinémas allemands si charmants où l'on peut boire une bière, boire un verre de vin et manger des chips dans son siège, confortablement installé.

4. Epilogue : la vida loca 


Ça va faire bientôt 2 semaines que je suis en Allemagne, que je fais mon petit nid ici et je suis comblée. La ville est superbe, petite et grande à la fois, humaine et vivante. Je t'avais promis des vikings et finalement je mange des tapas. Qui l'aurait cru ? Cet endroit me réserve encore plein de surprises, j'en suis certaine. Je n'ai pas encore fait de virée impressionnante mais j'ai enfin respirer l'air marin de la Baltique. 

Emmitouflée dans mon écharpe, les cheveux battant au vent, les joues rosies par le froid, le cœur léger, de nouveaux espoirs et le sourire. Que demander de plus ?



dimanche 6 octobre 2013

Voyage, Voyage

Me voila enfin arrivée à Lübeck, un des lieux incontournables du Schleswig-Holstein et surtout ma ville d'adoption pour l'année. Je vais te raconter mon trajet et mon arrivée avec plein d'enthousiasme alors avant de commencer assure-toi que tu as un peu de temps (je vais te raconter ma vie et ouais, t'es là pour ça), prends toi un thé, un chocolat chaud ou ce que tu veux parce que là je t'emmène au pays du froid où l'on t'affirme qu'il fait encore chaud. 

1. Le voyage ou comment mon mental a battu mon corps à plate couture

Voiture chargée à bloc, je promène une dernière fois mes terreurs (mes chiens, hein ! Même si mes terreurs, les vraies je les balade aussi souvent), une dernière caresse à chacun ainsi qu'à mes gros minous, un dernier bisou à ma mère et me voila dans ma voiture, la boule au ventre, l’œil qui clignote (carence en magnésium et angoisse perpétuelle en sont les causes), j'installe mon matériel, Ipod, GPS, carte bleue à porter. J'avale ma salive, démarre le moteur, passe un coup d’essuie glace , allume mes phares, et voilà. 

Me voilà prête, je quitte à 8h30 Saint Nazaire,  ma petite contrée "natale" et je prend ma première co-voitureuse. Mère de famille, 45 ans, bavarde et intéressante, le voyage jusque Paris se passe à merveille. On déguste quelques "Pingouin" ramenés d'Angleterre par le petit frère, parle de tout et de rien et on rit. Un co-voiturage comme je les aime. Mon oeil me joue toujours des tours et je prie pour que ce ne soit pas comme ça pendant tout le trajet jusque Lübeck. 

Je la dépose à l'endroit convenu et file à Rungis voir la grande soeur qui m'attend pour un petit McDo' d'au revoir. Je peine à trouver ma route, même avec Virginie qui m'accompagne de sa voix claire et sciemment un poil séductrice (c'est le prénom de mon GPS !). Mc Do dévoré (c'est le cas de le dire, le temps était compté), je bois un cappuccino à l'EFS, dis au revoir à ma grande soeur et c'est reparti.

J'attend patiemment mon nouveau covoitureur pour Bruxelles, je l'aperçois de loin, j'ai un frisson, il n'a pas l'air aimable à première vue. Il ouvre la portière, je m'arme de mon plus beau sourire, lui décroche mon plus charmant des bonjours et le charme opère, il a le sourire, m'explique que c'est sa première fois, qu'il ne savait pas à quoi s'attendre. Encore une fois on parle de tout et de rien, il est super intéressant, bosse pour des ONG, a vécu dans des pays incroyables dont la situation actuelle est parfois chaotique. Malgré un co-voitureur super sympa, ma fatigue me court après et mon oeil ne veut pas se calmer. Je prend une pause, m'achète du jus d'orange, marche un peu mais je sens bien qu'il faut que j'arrive car mon petit (grand?) corps commence à me dire "merde". On passe finalement la frontière, l'entrée de Bruxelles est embouteillée, on prend notre mal en patience, je trouve les belges absolument désagréables sur la route : et vas y que je te colle mes pleins phares dans la tronche sans raison apparente, et que je te klaxonne, bref ... Chiant. 

Je dépose mon co-voitureur à une station de tram devant la Gare du Midi et je prend enfin la direction de mon hébergement pour la nuit qu'un ami a bien voulu me fournir. Je prend la douche du bonheur, change mes fringues qui finissent par me coller à la peau et je me sens enfin redevenir "humaine". On file manger des tapas, j'ai pas trop le temps de visiter Bruxelles, cependant j'y repasserais car ça a l'air d'être une ville superbe. Lendemain matin, 10h30 me revoilà sur le départ, je monte dans ma voiture et c'est reparti. Cette fois ci, c'est "mon" adresse que je rentre dans mon GPS, j'ai clairement la trouille, la route s'annonce longue, seule et stressante. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je serais restée à Bruxelles et je me serais reposer un peu plus mais j'ai prévu ça comme ça et je déteste faire faux bond aux gens.

Je sors de Bruxelles sans encombre, prend l'autoroute direction la Hollande. Arrivée en Hollande, je vois la différence, le froid rentre doucement par l'aération, je m'arrête reprendre de l'essence, les gens me regardent étrangement et je sais exactement ce qu'ils se disent: "Qu'est ce qu'une française fout là avec une TWINGO ?!". Je mange un drôle de sandwich, mange un petit paquet de chips et je me dirige vers l'Allemagne. Une fois en Allemagne, la circulation se fait plus dense, mon oeil me fatigue et je sens que ma nuit de sommeil n'aura pas suffit: mon corps en a sa claque, il veut que ça s'arrête et mon dos commence à me tirailler sérieusement. Je m'arrête donc à un Burger King, ce qui m'a écœuré car j'aurai préféré ça à mon petit sandwich mais tant pis. Puis de toute façon, c'est pas bon pour ma ligne. Je mets mon siège en position allongée et là Morphée m'a rappelée fissa dans ses bras douillets. Une demie-heure plus tard, mon portable me réveille, ma proprio s'inquiète et me demande où j'en suis. Je répond, passe aux toilettes payantes (je m'y ferais jamais) et me revoilà : on the road again. 

Reposée, je me sens d'aplomb pour affronter le reste. Je fais quelques pointes à 150 km/h sur les autoroutes allemandes et pourtant pour certains chevronnés, je traîne encore. Le temps commence à me peser, ça se saurait si la solitude et moi on s'entendait bien. Je tente une discussion, sans succès, avec Virginie mais elle n'est causante que pour écorcher les noms des villes et des rues (et oui ! Elle prononce tout avec un accent français à couper au couteau). Cependant, ça y est j'aperçois enfin "Lübeck" sur un panneau, et là ! M-A-G-I-Q-U-E, mon oeil arrête de clignoter, ma vue du côté droit est nettement moins floue et je me sens invincible. Oui, invincible, c'est la dernière ligne droite, mon oeil fonctionne, j'ai le pied sur l'accélérateur, pas les cheveux dans le vent mais presque. J'ouvre la fenêtre, je sens le froid s'engouffrer avec allégresse dans mon auto, je souris, ça y est le pays du froid m'ouvre les bras.

2. L'arrivée ou comment le charme opère

Je rentre enfin dans Lübeck, l'entrée de la ville n'est pas différente d'une ville classique mais quand j'approche le centre ville et que j'y rentre, je comprend vite l'engouement des gens qui m'en avaient parlé. C'est vert, c'est beau, c'est charmant. J'ai l'impression d'être dans une ville et à la campagne en même temps. Je souris bêtement, j'ai la banane et pourtant les muscles de mon visage crient au secours. J'entre enfin dans "MA" rue ! Virginie me dit d'une voix un peu platonique "Vous êtes arrivé" (elle pourrait me tutoyer, merde ! On a passé 1400 km ensemble et 2 jours de route). Je gare ma voiture, enfin ! Je la pose ! 

Je sors, pose mes deux pieds enfin à terre. "Maman, je suis devant chez moi", là j'entends mon prénom, vois une tête passée qui me dit qu'elle descend. Je raccroche, dis à ma Maman que ma proprio m'a trouvée avant que je ne la trouve. Je vois arrivée une dame avec un grand sourire, les bras grands ouverts, qui me prend dans ses bras. Soulagement. Elle me file sa place devant chez elle, je me gare correctement. Je bafouille, je me sens flagada mais joyeusement flagada. Je souris, tente de blablater en allemand, je m'excuse pour mon état lamentable et mon allemand fatigué. 

Elle me montre ma chambre, l'appartement est immense, c'est dans un vieil immeuble absolument magnifique. Les plafonds sont immenses, ma fenêtre est immense, bref ! Tu auras compris que c'est immense. Je souris toujours comme une gourde, bafouille que tout est merveilleux. Sa fille arrive, m'accueille les bras ouverts comme sa maman. Elles me chouchoutent, me félicitent pour le trajet, je suis affreusement gênée. Ne suis-je pas seulement "la fille qui loue la chambre de l'entrée"? 

Je m'isole un peu, range mes affaires mais Morphée râle et me tanne: "tu vas allé au pieu oui ou non ?". Alors je cède, je prend une bonne douche, je dis bonne nuit, je me glisse dans ma couette bien chaude, le lit est confortable, tout est bien ... ZzZzzZzz ...

3. Premier jour ou comment j'ai pris 20 kilos 

9h30. J'ouvre mes yeux et je me sens bien. J'ouvre les rideaux, le soleil brille timidement, les maisons sont charmantes, tout est calme, les cloches des églises de Lübeck me font le plus agréable des concerts. Enfin je peux tourner la page du mois de septembre qui fût, osons le dire: chaotique au plus haut point. Je sais qu'à partir de ce moment, ma vie sera complètement différente, au moins pour quelques mois. Je sors encore un peu endormie, le petit déjeuner et les sourires sont au rendez-vous. Bonheur. J'ose aborder les sujets : loyer, courses, et tout le bazar. Je suis agréablement surprise sur tout les bords, la vie s'annonce simple et tranquille. 


Je finis de ranger mes petites affaires, je mets ma chambre à mon goût et me prépare pour ma première visite de Lübeck. Elles me font visiter. La ville est vivante, des magasins partout, des bars, des boites de nuit, tout y est et à proximité. Le centre de Lübeck est en fait une île cernée par un canal. L'architecture est magnifique et je suis surprise de voir qu'il y a "des villages" dans la ville. 


Il suffit de prendre une petite rue pour se retrouver dans une cour entourée par des maisonnettes adorables où des papys boivent une bière et où du linge sèche. On se retrouve sur la place principale de Lübeck "Die Marktplatz" où se tient "Die Kartoffeltage" littéralement "les jours de la patate" ou de la "pomme de terre" pour les puristes. Là l'odeur des Currywurst nous appelle, on se laisse séduire. 


Un barbecue géant se tient au milieu de la tente qui abrite le stand nourriture. Je me retrouve avec de la famille de ma propriétaire, des petits vieux adorables chantant leurs vieux standards en choeur, tout en me tenant par les épaules de temps en temps quand un refrain endiablé retentit. Ils me sourient, me parlent, et je comprend réellement les rumeurs sur les gens du Nord de l'Allemagne, ce sont des gens d'une gentillesse extrême. Puis, vient l'heure du café, on va dans un des meilleurs de Lübeck, on se laisse séduire par un "Marzipan Milch Kaffee". Ceci a dû être fabriquer par les démons de la gourmandise tellement c'est à se damner. C'est un délice ! Puis on m'emmène dans une boutique de Marzipan, pareil j'ai pris 10 kilos en regardant simplement les assortiments de chocolat, Marzipan et autre nougat. 




Sur le chemin du retour et après en avoir pris plein la vue et plein les papilles, ma propriétaire a une course à faire. On est accueilli par un monsieur sur échasse qui fait le show en chevauchant une peluche en forme de licorne. Puis, on assiste à un défilé de mode kitsch qui me rappelle que l'Allemagne c'est bien mais pas sur tout les points non plus. Mais ne soyons pas cynique. Elle achète quelques spécialités grecques, c'était sans savoir que le patron allait me faire goûter toute sa vitrine. Autant vous dire que cette fois c'est mon estomac qui n'en pouvait plus. Mais ma politesse et l'air enchanté du petit monsieur l'a fait taire et l'a forcer à ne pas se plaindre et à encaisser. Finalement, c'est presque en roulant que j'aurais pu rentrer mais mes jambes ont réussi à me porter. 

4. Épilogue

A la question : Es tu conquise ? Je répondrais sans hésitation : Oui. Je suis ravie de voir que les gens sont absolument adorables, que pour l'instant les gens me prennent dans leurs bras comme si ils me connaissaient depuis toujours, que l'on me propose de l'aide pour quoi que ce soit. En bref, je me sens pour l'instant très bien et malgré le voyage difficile je ne regrette pas d'être venue jusqu'ici car tout me fait penser que je vais y passer une année inoubliable. 

Sur ce, merci de m'avoir lue, j'espère que je t'ai pas trop emmerder et que tu as réussi à arriver jusque là sans que ton café ou autre soit glaciale et sans que tu échoues sur Candy Crush. Tschüss ! 


lundi 23 septembre 2013

Mettre les deux pieds dans le plat


Tous les voyageurs ont un carnet de voyage. Un calepin où ils confient leurs états d'âme, leurs impressions ou leurs ressentis. Dorénavant, le voyageur moderne utilise la toile pour raconter ses périples. Je vais bientôt prendre mon sac à dos et ma brosse à dent pour faire le grand saut et vivre un an loin de ma patrie : ça vaut bien un petit blog de "racontage" de vie, qu'en penses-tu? 

Quelques questions s'imposent et je vais me les poser à moi-même pour te faciliter la tâche : 


  • Où ? : En Allemagne, mon bon ami. Alors ouais, dis comme ça c'est pas glam' mais en lisant mon blog je suis certaine que je finirais par te convaincre que c'est pas la destination la plus nulle que j'aurai pu choisir. Je vais quand même te détailler un peu la destination : le Schleswig-Holstein (si tu n'arrives pas à le prononcer, c'est normal, ça doit être le nom de Land le plus dur à prononcer), tout au nord, à la frontière du Danemark. 
  • Comment ? : Avec ma voiture bien-sûr. Relis le titre de ce blog, jamais sans ma grenouille. 
  • Pour y faire quoi ? : Assistante de français dans le collège-lycée d'une petite station balnéaire au bord de la Baltique. 
  • Quand ? : De fin octobre jusque fin mai, alors si tu veux venir me voir dépêches-toi de checker tes vacances ! ;)