dimanche 24 novembre 2013

Un souci de plus, un souci de moins

En ce moment, tu l'auras compris, j'ai pas le vent en poupe. On va repartir de là où je me suis arrêtée et te parler un peu de mon retour. Allez, soyons un peu chauvin, sers-toi un petit verre de vin et ramène le sauciflard ! 

1. "Allez en prison. Ne passer par la case de départ. Ne touchez pas 20 000 Francs"

Sortie de l'hôpital, journée tant attendue. J'ai gambadé les deux jours qui ont suivi, emmenant ma sœur à droite et à gauche appréciant chaque moment de liberté retrouvée. C'est le soir, que mon corps se manifestait. "Hey la pécore qui court la campagne, là, t'en as assez fait. J'ai amorti un accident, moi, maintenant au pieu" Tremblements, froid et courbatures, mamie va au lit à 21h. Le matin, toujours besoin d'un temps d'adaptation, ma sœur se moque... Je ressemble à un Na'vi, tu sais les bonshommes tout bleu aux yeux de chat dans Avatar... 

Viens le grand jour, en route pour l'aéroport. Premier jour où je me confronte aux regards des "autres", ceux qui ne savent pas, ceux qui ne m'ont jamais vu autrement, ceux qui ne regardent pas, ceux qui dévisagent. D'abord sûre de moi, fière d'avoir survécu, heureuse d'être sur mes deux jambes, d'avoir la force nécessaire pour me mêler à la masse, j'ignore les premiers et je marche fièrement. Puis, au fil des regards, face aux moues de dégoût, aux regards ébahis et à quelques réactions de peur (et oui, mon ami, une femme à reculer de peur en me croisant aux toilettes), ma mine enjouée et mon envie d'avancer malgré tout a pris une sacrée claque. 

Accompagnée, je fais encore face, mais une fois seule dans le train qui me ramène à ma case départ, l'amertume commence à m'envahir. Je suis encore partagée par le plaisir de pouvoir revoir ces beaux paysages que j'ai bien failli ne plus avoir la chance de contempler, le bonheur de retrouver ceux que j'aime, et par l'injustice d'avoir dû revenir un mois après mon départ. Ne devrais-je pas être en train de faire travailler mes petits élèves et écumer ma belle région à bord de mon auto ? Mais me voilà de nouveau en France quand les autres vivent ce que j'aimerais vivre aussi.

Je vais pas non plus faire ma bégueule et dire que je n'étais pas heureuse de me faire chouchouter par ma mère, de revoir mes amis mais une partie de moi s'est sentie mise en prison. Il y avait des réveils plus durs que d'autres, il y avait des jours avec et puis dans jours sans, il y avait des larmes, des sourires et des façades. La vie n'est pas simple, j'ai beaucoup relativisé en me disant qu'il y a toujours pire, puis il y avait ces jours où je me disais que quand même, pourquoi moi ? C'est humain, je sais, mais ça ne fait pas plus de bien et ça aurait tendance à ne rien améliorer. Alors je m'enfermais dans mon cachot exigu rempli d'amertume accompagné de mes douleurs et de mes effets secondaires à ruminer sur mon corps qui ne se remet pas assez vite à mon goût, sur cette cicatrice insupportable et sur ces regards qui font mal.

2. "Ma pauvre demoiselle"

Quand on a une balafre sur le visage, ça se voit et puis le lambda comme le proche, il le remarque, se questionne et s'ensuit ce que j'ai appelé mon top 3 des petites maladresses qui me donnaient envie de me pendre. Me déteste pas si tu te retrouves dans une catégorie parce que je t'aime toujours autant, je suis pas comme ça, moi mais je dois t'avouer que j'ai sûrement eu un pincement.

Je vais commencer par ceux qui ont dit ça par pure gentillesse. J'aime les appeler mes cajoleurs. Je parle de ces petites phrases maladroites de réconfort qui ne marchent pas parce que tu sais pertinemment que c'est par pure compassion et que ce n'est pas tout à fait vrai. Alors toi, le cajoleur qui m'a dit que j'étais d'autant plus belle avec cette cicatrice, que ce n'est pas grand chose et que j'étais toujours aussi séduisante. Cajoleur... Ne me mens pas, la cicatrice est de mieux en mieux mais je vais pas remporter le titre de Miss France et ne me fait pas croire que je vais me faire plus draguer sous prétexte que je ressemble un chouilla à une vieille divinité viking. La cicatrice est belle mais c'est une cicatrice et les cicatrices (surtout pour une femme) c'est pas comme un grain de beauté bien placé, ça n'a rien de séduisant et surtout rien de glamour. Alors cajoleur, sache que la simple phrase : "Bientôt, on la verra plus cette balafre" m'aurait suffit mais merci d'être gentil et de me prendre par les épaules, ça fait du bien mais c'est maladroit.

Puis, il y a les minimisateurs. "Ton accident ? Des broutilles, mon pote l'autre jour a planté sa bagnole c'était pire que ça je te jure"... Bon, c'est gentil de me rassurer en m'affirmant que mon accident c'était vraiment de la gnognotte mais ça me réconforte pas plus que ça. Mon accident m'a bien suffit dans sa forme et je ne souhaite pas non plus reproduire l'exploit tous les 4 matins. Alors minimisateur, je te le souhaite pas, mais le jour où une voiture te rentrera dans le lard à la hauteur de ton corps à plus de 70km/h, on en reparlera. Mais je t'en veux pas minimisateur, au fond je suis sûre que c'est parce que tu as eu peur pour moi et que toi, ça t'aide de me dire ça.


Et puis, il y a ceux que je ne comprend pas, j'ai envie de les appeler les "c'est qui qui". Leurs premières réactions, leur première question c'est toujours "Mais, c'est toi qui est en tord ?" et moi de répondre par une mine dépitée. Est ce que c'est vraiment la question ? Est ce que le fait d'être responsable de ses douleurs c'est mieux ou c'est pire ? Est ce que le fait d'être en tord minimise mon état ? Bref, tu l'auras compris, c'est ceux qui m'ont le plus agacé. Pour leur répondre, pour l'instant c'est 50/50 qui est établi mais c'est quasi certain d'après ce que j'ai réussi à savoir qu'elle roulait beaucoup trop vite. Donc voilà "c'est qui qui", tu as ta réponse mais moi je ne me sens pas mieux parce que dans tous les cas, cet accident, que j'en sois responsable ou pas, m'a pris ma voiture et m'a abîmé le visage. Ta question fait plus de mal que de bien.

3. Pose ta poupée voodoo lentement vers le sol et arrête me martyriser

Vient le temps du retour et de reprendre ma vie allemande là où je l'avais laissée. Enjouée, je ne le suis pas restée longtemps, mes effets secondaires persistant à vouloir me tenir compagnie. J'arrive à la gare, déjà impatiente d'arrivée. Stupeur, suicide sur les voies, retard indéterminé, au bout du compte 2 heures de retard. J’arrive finalement à Paris presque vivante. Pourtant épuisée, je dors peu, mes effets secondaires ne me lâchent pas. On prend la route pour l'aéroport avant que les agriculteurs ne nous rendent la tâche plus compliquée. J'arrive à l'aéroport à l'heure grâce à ma tante qui connaît tous les bons filons, tout va pour le mieux.

C'était sans compter sur une grève de la compagnie. Avion annulé, je n'y crois pas et pourtant je suis transférée sur un vol qui part... Dans les 40 minutes qui suivent ! Je traverse l'aéroport, j'ai des sueurs froides, je négocie mon départ, je cours, on me pique mes fromages pour que j'embarque, je laisse mes petits puants sur le tarmac et je finis par m'envoler. Vol compliqué, mes effets secondaires persistent, la journée s'annonce longue. Hambourg me tend enfin les bras et me serre dans ses bras glacials (-5 C°). J'arrive à la gare sans trop d'encombres, j'attends patiemment. Mise à part, une attaque de pigeon je ne vois plus aucun danger à l'horizon. Arrivée à la gare de Lübeck, je commence à marcher et je me dirige vers ma petite maison. Les larmes me sont montées, je vais pas te mentir. J'avais envie de faire demi-tour, tout ces obstacles m'ont donné, sur le coup, une profonde envie de me terrer en France et de ne plus bouger jusqu'à ce que la roue tourne. Puis j'arrive, on m'accueille, je me sens mieux, mon corps et mon cœur se réchauffent. J'ai revu ceux qui étaient là et qui m'ont soutenu à l'hôpital et je tente de reprendre ma petite vie.

4. Épilogue

Cet article est un peu tristou, je te l'accorde mais je suis honnête avec toi et je ne te cache rien. Cependant, pendant ce séjour j'ai eu des moments de bonheur simple mais qui m'ont mis du baume au coeur. Allez une petite liste pour se rappeler des bons côtés de tout ça.

- Ma cicatrice est miraculeusement belle, mon oeil a repris sa forme et plus les jours passent plus j'accepte ce nouveau reflet.

- Ma mère m'a aidé à réaliser un rêve de gosse en m'offrant la guitare de mes rêves pour que je puisse me lancer et j'adore ça !

- Mes amies m'ont emmené au resto', m'ont soutenu et m'ont surtout fait rire.

- D'autres sont passés me voir et m'ont remonté  le moral.

- Mes effets secondaires se tassent et je vais de mieux en mieux.

- Pour mon assurance je ne suis pas en tord ou en tout cas pas complètement, je vais donc être correctement dédommagée.

- Il y a des gens qui m'ont regardé avec la plus grande gentillesse et qui du regard me disait "Allez mademoiselle, vous en faites pas, c'est une mauvaise passe."

- Demain, je retourne à l'école, j'appréhende de repasser par la "fameuse" route mais je suis contente de retrouver mes petits élèves.

Voilà, on s'arrête là pour cette histoire j'espère. Je vais bien et c'est ça le principal à mon sens.

5 heures après l'accident
Aujourd'hui

1 commentaire:

  1. tout mon courage et mon amour pour ta rentree ma louloute. prend soin de toin

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